Dans un entretien avec David Sylvester, Bacon en vient à évoquer les maîtres qui l’ont précédé et à qui il voue une grande admiration: Rembrandt et surtout Velasquez. Citation suivie d’un commentaire. Voir aussi « Bacon sur peinture écrans et violence » et García Lorca sur le Duende .
« On aimerait en effet faire cette chose qui consiste simplement à se promener au bord du précipice et, chez Velasquez, c’est une chose très, très extraordinaire qu’il ait pu se tenir si près de ce que nous appelons « illustration » et en même temps ouvrir si entièrement aux choses les plus grandes et les plus profondes qu’un homme puisse sentir. »
Si Bacon émet le souhait de se rapprocher du mystère de l’art de Vélasquez, c’est qu’il repose sur un paradoxe: atteindre à l’universalité de l’humain, à partir d’une oeuvre au périmètre très circonscrit: la cour du roi Philippe IV d’Espagne ou celle du Pape Innocent X. Mais surtout, il souligne leur même approche de l’art, un art dangereux qui place le peintre en situation instable, « au bord du précipice », prêt à vaciller, entre reproduction servile du réel et restitution irrationnelle de l’image. Expression picturale qui met en péril entre mort et transcendance.