Nizon sur l’écriture sans idées

 » (…) même sans idées ni contenu, sans message, voire sans thématique notable, on peut néanmoins pratiquer une activité d’écriture (…) »

Mur Gaston
Photo de Gaston

Peut-on écrire quand on n’a pas grand chose à raconter ? En répondant par l’affirmative, Paul Nizon cite son « accoucheur » en écriture — l’écrivain et poète suisse Robert Walser—  alors qu’il s’interroge lui-même sur la signification de l’écriture dans sa vie.

Voir aussi Walser sur la saucisse, Ionesco sur la vacuité.


« Pour ce qui est de Robert Walser, j’ai eu très trop le pressentiment que, même sans idées ni contenu, sans message, voire sans thématique notable, on peut néanmoins pratiquer une activité d’écriture et la maintenir en vie — rien qu’avec les moyens de la langue !  » (p.16)

« A propos de Walser, on disait qu’il ne cessait de quitter ses emplois et qu’il se retirait avec la petite somme qu’il avait économisé dans des mansardes et autres locations de fortune afin d’accomplir « princièrement pauvre et royalement libre » un travail d’écriture qui manifestement était invisible. Ce travail devait en valoir la peine, et pour un tas de raisons, sinon il n’aurait pu être entretenu et légitimé avec autant d’opiniâtreté. Walser disait de son travail : « Peut-être suis-je un acteur poète ou un chanteur sans voix ou un orateur à qui tout le talent oratoire fait défaut. » « J’ai l’intention de danser avec les mots ». « Je sais que je suis une sorte d’artisan romancier » (…). Si je suis dans de bonnes dispositions, c’est-à-dire de bonne humeur, je taille, répare, rabote, forge, frappe, martèle ou cloue ensemble des lignes dont on comprend tout de suite le contenu. On peut, si on le désire, m’appeler tourneur écrivain. Pendant que j’écris, je tapisse. Que quelques aimables personnes veuillent me tenir pour un poète, je l’admets par esprit de conciliation et par politesse. Mes proses ne constituent, à mon avis, rien d’autre que des parties d’une longue histoire réaliste pauvre en action« . p(16-17)

Source : Paul Nizon, Marcher à l’écriture, Actes Sud, 1991.

 

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