« Ne sommes-nous pas tous des rêveurs, des bâtisseurs, frères du signe de la truelle… ? »
Dans « La république des rêves » Bruno Schulz parle des utopies de la jeunesse, mais non pas, comme il arrive souvent, sur un ton désabusé ou moqueur. Mêmes perdus pour un temps, ces rêves reviennent et reprennent racine dans la réalité. Une vision qui contraste avec le pessimisme de Nietzsche à l’égard des engagements des jeunes.
« En ce temps reculé, nous avions conçu avec mes camarades l’idée impossible et absurde d’aller plus loin (…). Là, nous étant libérés des grandes personnes, nous allions établir notre place forte, proclamer une république des jeunes. Là, nous allions promulguer des lois nouvelles, une nouvelle hiérarchie de critères et de valeurs, mener une vie placée sous le signe de la poésie et de l’aventure, des éblouissements et des étonnements continuels.(…). Nous voulions assujettir notre vie à un torrent d’affabulations, nous laisser emporter par des vagues inspirées d’histoires et d’événements. L’esprit de la nature est au fond un grand conteur. C’est lui la source des fables, des romans et des épopées. Il y avait une quantité de motifs romanesques dans l’air. Il suffisait de tendre ses filets sous le ciel chargé de fantômes, de ficher en terre un mât que le vent faisait chanter, et bientôt autour de son sommet des lambeaux de romans pris au piège battraient des ailes. » (p.151)
« Ce n’est pas sans raison que ces rêves d’antan reviennent aujourd’hui. Aucun rêve, si absurde soit-il, ne se perd dans l’univers. Il y a en lui une faim de réalité, une aspiration qui engage la réalité, qui grandit et devient une reconnaissance de dette demandant à être payée ». (p.153)
« Ne sommes-nous pas tous des rêveurs, des bâtisseurs, frères du signe de la truelle… ? » (p.155)