« Je ne crois pas qu’une conception religieuse ait jamais été à l’origine d’un conflit armé et sanglant (…) »
Dans un texte de 2009, Clément Rosset s’interroge sur une question de grande actualité : la relation entre violence et religion, en inversant la relation de causalité souvent mise en avant. Ce ne serait pas la religion qui pousse à la violence, mais une hargne et une violence premières qui utiliseraient la religion comme alibi.
Voir aussi Freud sur la guerre, Einstein sur la guerre, Zweig sur la guerre, Un soldat sur la guerre, Nietzsche sur jeunesse et explosivité, Mann sur hypnotisme et volonté de décider.
» (…) si l’on songe à la religion, chrétienne ou autre, pour expliquer le fanatisme qui préside à la dénonciation de la faute et à la répression du bonheur, considéré comme péché, il me semble qu’on fait entièrement fausse route, confondant la cause avec ce qui n’en est que le symptôme. (…) Montaigne et tous les esprits pénétrants ont toujours considéré le fanatisme et la haine comme la cause : la religion, ou un certain usage de la religion, comme un prétexte propre à mettre ceux-ci en situation d’alibi sous le couvert de la religion qui les aurait inspirés et qui a en l’occurrence assez bon dos. Je ne suis pas hargneux parce que je défends telle religion, je défends telle religion parce que je suis hargneux et que la religion m’aide à mettre ma hargne en pratique (et j’aurais pu aussi bien, pour exprimer ma haine choisir un autre étendard que cette religion-ci — à laquelle, soit dit en passant, je ne crois pas plus que cela). (…). La dénonciation chronique des méfaits du monothéisme, telle celle à laquelle s’emploie aujourd’hui sans s’essouffler Michel Onfray, est une illustration exemplaire de cette confusion intellectuelle et de la simplicité d’esprit qu’elle implique. » (p. 86-87)
« Je ne crois pas qu’une conception religieuse ait jamais été à l’origine d’un conflit armé et sanglant, mais pense plutôt que des intentions sanglantes et meurtrières ne se sont jamais servies des opinions religieuses que comme des prétextes à des fins politiques et ou d’extension du pouvoir » (p.88)
Source : Clément Rosset, Le souverain bien in Tropiques, Éditions de Minuit, 2010. Pages 86-87, 88.