« La relecture seule sauve le texte de la répétition (…) »
Pour Roland Barthes l’oeuvre n’a pas un sens unique, figé pour toujours. Un sens qui serait défini par la seule volonté de son créateur, ou par celle d’un lecteur savant, fut-il critique professionnel, ou même par une lecture unique. L’oeuvre est riche d’une pluralité débordante. Roland Barthes nous invite à oublier l’auteur autoritaire autant que le lecteur univoque et la lecture unique, pour laisser le passage à des lectures, créatrices et multiples, où l’on investit une et mille fois le texte de son propre imaginaire, en pénétrant dans ce qu’il a d’ouvert, de non determiné, de non écrit. En s’en enrichissant et en l’enrichissant chaque fois d’un apport personnel.
Voir aussi : Ouaknin sur la lecture, « Macé sur lecture et vie« , « Manguel sobre lectura silenciosa« , « Manguel sobre lectura y mundo« , Rilke sur le désir d’écrire.
« La relecture seule sauve le texte de la répétition (ceux qui négligent de relire s’obligent à lire partout la même histoire), le multiplie dans son divers et son pluriel ». (p.22)
» (…) le travail du commentaire, dès lors qu’il se soustrait à toute idéologie de la totalité, consiste précisément à malmener le texte, à lui couper la parole » (p. 21-22)
« L’Auteur lui-même —déité quelque peu vétusté de l’ancienne critique — peut, ou pourra un jour constituer un texte comme les autres : il suffira de renoncer à faire de sa personne le sujet, la butée, l’origine, l’autorité, le Père, d’où dériverait son œuvre, par une voie d’expression ; il suffira de le considérer lui-même comme un être de papier et sa vie comme une bio-graphie (au sens étymologique du terme), une écriture sans réfèrent, (…) » (p. 217).
« Le texte est en somme en somme un fétiche ; et le réduire à l’unité du sens, par une lecture abusivement univoque, c’est couper la tresse, c’est esquisser le geste castrateur » (p. 166).
Source : Roland Barthes, S/Z, Éditions du Seuil/Tel Quel, 1970.