Sen sur utilitaristes, égalitaristes et libertariens

« … si l’on a écouté les trois enfants… la décision est difficile à prendre. »

Amartya Sen, économiste et philosophe indien, grand spécialiste de l’analyse des famines, introduit ici, sous forme de fable, trois conceptions de la justice sociale qui font débat en ce monde agité. L’utilitarisme qui considère juste l’action qui augmente le bienêtre dans la société; l’égalitarisme qui considère juste la redistribution bénéficiant aux défavorisés; le libertariannisme qui considère que nul ne doit être privé du fruit de son travail.

« Il s’agit de décider lequel de ces trois enfants – Anne, Bob ou Carla – doit recevoir la flûte qu’ils se disputent. Anne la revendique au motif qu’elle est la seule des trois à savoir en jouer (les autres ne nient pas) et qu’ils serait vraiment injuste de refuser cet instrument au seul enfant capable de s’en servir. Sans aucune information, les raisons de lui donner la flûte sont fortes.

     Autre scénario : Bob prend la parole, défend son droit à avoir la flûte en faisant valoir qu’il est le seul des trois à être pauvre au point de ne posséder aucun jouet. Avec la flûte, il aurait quelque chose pour s’amuser (les deux autres concèdent qu’ils sont plus riches et disposent d’agréables objets). Si l’on entend que Bob et pas les autres enfants, on a de bonnes raisons de lui attribuer la flûte.

    Dans le troisième scénario, c’est Carla qui fait remarquer qu’elle a travaillé assidûment pendant des mois pour fabriquer cette flûte (les autres le confirment) et au moment précis où elle a atteint le but, « juste à ce moment-là », se plaint-elle, « ces pilleurs tentent de lui prendre la flûte ». Si l’on entend que les propos de Carla, on peut être enclin à lui donner la flûte, car il est compréhensible qu’elle revendique un objet fabriqué de ses propres mains.

    Mais si l’on a écouté les trois enfants et leurs logiques respectives, la décision est difficile à prendre. »

Amartya Sen, L’idée de justice, éd. Flammarion, Paris, 2010, p. 38.

Facebooktwitterredditpinterestlinkedinmail

Scorza y destrucción

« La Compañía » construyó un ferrocarril, transportó maquinarias mitológicas y levantó en La Oroya, mil metros más abajo, una fundición cuya pura chimenea asfixiaba a los pájaros en cincuenta kilómetros. »

fond fontaine

Destrucción de la naturaleza andina, de las vetas y de los pueblos cordilleranos. Es una historia sin fin la que cuenta aquí Manuel Scorza. Pasó ayer, pasa hoy y seguirá quizás pasando hasta que la cordillera ya sin entrañas desinfle sus pezones nevados y se derrumbe en una larga cadena de estériles deshechos.

Ver también Arguedas, la piedra y el aguaOrtega y Gasset sur l’autodestruction y Canetti sur l’autodestruction.


« Hacia 1903 les vetas se agotaron. Cerro de Pasco, tan orgullosa de sus doce viceconsulados falleció. Mineros, comerciantes, restauranteros y putas la abandonaron. Cerro, pues, se despobló. El vago censo departamental de 1895 enumera tres mil doscientas veintidós casas (…). Poco a poco Cerro volvió al páramo. En 1900 ya sólo quedaban una cuantas casas acurrucadas alrededor de Plaza Carrión, cuando una víspera de Semana Santa llegó un gigante rubio de alegres ojos azules, de llameante barba, estupendo para comilonas y borracheras. Era un ingeniero, un formidable fornicador que desde el comienzo se mezcló y simpatizó con la gente. (…). El gringo anduvo unos meses recogiendo muestras y mejorando la raza. La gente se le encariñó. Infortunadamente, el pelirrojo enloqueció. Una tarde, unas tres de la tarde, entró al « Valiente de Huandoy », una cantinita de mala muerte donde sobrevivía un cajón de whisky de los buenos tiempos. (…). Al atardecer salió a la calle a repartir whisky. A las siete lo visitaron los diablos azules. Quizás se excedió en las copas; quizás lo afectó, finalmente, la altura: comenzó a reírse como embrujado. La gente siguió bebiendo —se emborrachaba a costillas del cómico—, pero poco a poco, a medida que la risa se convertía en una catarata de carcajadas, en un espumoso mar de risas, en una marejada de burlas, se asustaron y salieron. No había por qué. Una hora después, el de la inolvidable barba crepuscular se secó las lágrimas, depositó un montoncito de libras de oro y salió del « Valiente de Huandoy ». No volvió nunca más.

« El dueño de aquella carcajada se reía de los mineros y cateadores de cuatrocientos años, de Cerro de Pasco, del viento que se lleva las casas, de las nevadas de a metro, de la lluvia interminable, de los muertos que tiritaban de frío, de la soledad. ¡Había descubierto debajo de las vetas agotadas el más fabuloso filón de la minería americana! (…)

« En 1903 vino a establecerse la « Cerro de Pasco Corporation ». Eso es harina de otro costal. La « Cerro de Pasco Corporation Inc. in Delaware », conocida simplemente aquí como « La Cerro o « La Compañía », demostró que el escultor de la inolvidable carcajada, el legendario barba de chivo sabía de qué se reía. « La Compañía » construyó un ferrocarril, transportó maquinarias mitológicas y levantó en La Oroya, mil metros más abajo, una fundición cuya pura chimenea asfixiaba a los pájaros en cincuenta kilómetros. (…). Los balances de la « Cerro de Pasco Corporation » muestran que, en realidad, el de la barba crepuscular sólo se permitió una risita. En poco más de cincuenta años, la edad de Fortunato, la « Cerro de Pasco Corporation » desentrañó más de quinientos millones de dólares de utilidad neta.

« Nadie podía imaginarlo en 1900. « La Compañía », que pagaba salarios delirantes de dos soles, fue acogida con alegría. Una muchedumbre de mendigos, de prófugos de las haciendas, de abigeos arrepentidos, hirvió en Cerro de Pasco. Sólo meses después se percibió que el humo de la fundición asesinaba a los pájaros. Un día se comprobó también que trocaba el color de los humanos: los mineros comenzaron a cambiar de color; el humo propuso variantes: caras rojas, caras verdes, caras amarillas. Y algo mejor: si un cara azul se matrimoniaba con una cara amarilla les nacía una cara verde. (…). Circularon rumores. La « Cerro Pasco » mandó pegar un boletín en todas las esquinas: el humo no dañaba. (…). El Obispo de Huánuco sermoneó que el color era una caución contra el adulterio. Si una cara anaranjada se ayuntaba con una cara roja, de ninguna manera podía salirles una cara verde: era una garantía. » (p. 82 a 84).

Fuente : Manuel Scorza, Redoble por Rancas, Círculo de Lectores, 1984. Páginas 82 a 84.

Facebooktwitterredditpinterestlinkedinmail

Shumpeter sur l’entrepreneur

20140815_124824

Gros salaires, primes, stock options, parachutes dorés. Attributs propres aux grands dirigeants d’entreprise, censés rémunérer d’indispensables capacités. Le prix en somme de l’entrepreneur schumpétérien, tant vanté de nos jours. Or, ces personnages actuels, rarement fondateurs, qui semblent parfois privilégier leurs intérêts personnels et saigner les entreprises, correspondent-ils vraiment à l’idée que s’en faisait le célèbre économiste autrichien? Voici une citation sur ces agents économiques qu’il appelait entrepreneurs.



« De tels agents économiques vivent le plus souvent dans le luxe. Mais ils le font parce qu’ils en ont les moyens ; ils n’acquièrent pas en vue de vivre dans le luxe. Il n’est pas facile de rendre tout à fait compte de ces faits : la conception et l’expérience personnelles de l’observateur joueront ici un grand rôle, et il ne faut pas s’attendre d’avance à ce que notre affirmation soit acceptée d’emblée. Mais on ne lui déniera pas tout fondement (……) les personnes qui mettent au premier plan un effort vers la jouissance et le désir d’un certain résultat « hédonistique», qui surtout ont le désir d’une retraite une fois obtenu un certain revenu, ne doivent pas d’habitude leur position à leur propre force, mais doivent leurs succès éventuels au fait qu’une personnalité de notre type leur a préparé la voie. L’entrepreneur typique ne se demande pas si chaque effort, auquel il se soumet, lui promet un «excédent de jouissance » suffisant. Il se préoccupe peu des fruits hédonistiques de ses actes. Il crée sans répit, car il ne peut rien faire d’autre ; il ne vit pas pour jouir voluptueusement de ce qu’il a acquis. Si ce désir surgit, c’est pour lui la paralysie, et non un temps d’arrêt sur sa ligne antérieure ; c’est un messager avant coureur de la mort physique ». (p.90)

Source : Joseph Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, Dalloz,1935. Page 90.

http://classiques.uqac.ca/classiques/Schumpeter_joseph/theorie_evolution/theorie_evolution_1.pdfFacebooktwitterredditpinterestlinkedinmail

Politique Industrielle sous la Monarchie

Voici deux citations d’Henry IV et de Louis XIV. Pour le contexte voir la réflexion attachée.

Lettre de Henri IV à Sully (1607)

 Mon Amy, vous avez assez de fois veu les poursuites que les tapissiers flamands ont faites pour estre satisfaits de ce que leur avait esté promis pour leur établissement en ce royaume : de quoy ayant, par une dernière fois, traité en la présence de vous et de M. le garde des sceaux, je me résolus de leur faire bailler cent mille livres ; mais ils sont toujours sur leurs premières plaintes s’ils n’en sont pas payez. C’est pourquoi je vous fait ce mot pour vous dire que j’ay un extrême désir de les conserver, et pour que cela despend du tout du payement de ladite somme, vous les ferez incontinent dresser, en sorte qu’ils n’ayent plus de sujet de retourner à moy ; car autrement je considère bien qu’ils ne pourraient pas subsister, et que, par leur ruine, je perdrais tout ce que j’ay fait jusques à maintenant pour les attirer ici et les conserver. Faites-les donc payer, puisque c’est ma volonté, et sur ce, Dieu vous ait, mon Amy, en sa sainte et digne garde ».

Louis XIV : Extraits de l’Edit Royal créant la manufacture des Gobelins (novembre 1667)

« ……L’affection que nous avons pour rendre le commerce et les manufactures florissantes dans nostre royaume nous a fait donner nos premiers soins, après la conclusion de la paix générale, pour les rétablir et pour rendre les établissements plus immuables en leur fixant un lieu commode et certain ; nous aurions fait acquérir de nos deniers l’hostel des Gobelins et plusieurs maisons adjacentes, fait rechercher les peintres de la plus grande réputation, des tapissiers, des sculpteurs, des orfèvres, des ébénistes, et d’autres ouvriers plus habiles en toutes sortes d’arts et mestiers, que nous aurions logés, donné des appartements à chacun d’entre eux et accordé des privilèges et avantages ».

« (…..) nous avons faict et faisons très-expresses inhibitions et deffenses à tous marchands et autres personnes de quelque qualité et condition qu’ils soyent, d’achepter ny faire parvenir des pays étrangers des tapisseries confisquées, etc., etc. »

Source : TURGAN, Les grandes Usines de France, Librairie Nouvelle, Paris (ouvrage ancien sans date) ; pages 11 et 15.

Facebooktwitterredditpinterestlinkedinmail

Adam Smith sur le marché du travail

« We rarely hear, it has been said, of the combinations of masters, though frequently of those of workmen. But whoever imagines, upon this count, that masters rarely combine, is as ignorant of the world as of the subject. Masters are always and every where in a sort of tacit, but constant and uniform combination, not to raise the wages of labour above their actual rate. To violate this combination is every where a most unpopular action, and a sort of reproach to a master among his neighbors and equals. We seldom, indeed, hear of this combination, because is the usual, and one may say, the natural state of things which nobody ever hear of. Master too sometimes enter into particular combinations to sink the wages of labour even below this rate. These are always conducted with the utmost silence and secrecy till the moment of execution, and when the workmen yield, as they sometimes do, without resistance, though severely felt by them, they are never heard of by other people ».

Adam Smith, The Wealth of the Nations. The Modern Library, New York, 1937 ; pages 66-67.Facebooktwitterredditpinterestlinkedinmail