Proust sur les petites madeleines

« (…) ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille Saint-Jacques (…) »

2013-07-19 13.27.30Passage célèbre de Proust où le narrateur cherche à comprendre le bouleversement inouï que provoque en lui le goût d’un gâteau servi avec du thé par sa mère un jour d’hiver. Il arrive à l’associer aux visites qu’enfant il rendait à une vieille tante avant la messe dominicale, mais ce n’est que bien après qu’il en trouvera l’explication : surgissement d’impressions enfouies en soi qui font revivre le passé, retrouvailles avec le temps perdu, instants d’éternité qui éloignent la crainte de l’avenir. Les citations proposées décrivent l’épisode et les interrogations de l’auteur. On notera l’imagerie érotique qu’il utilise. Ces petits bouts de gâteau imbibés, qui font « tressaillir » d’un « plaisir délicieux », n’auraient-ils pas partie liée avec le désir et l’inceste ? L’emploi par l’auteur de mots suggestifs, proches de moule ou de vulve, ou alors rainure et coquille le suggère…

A rapprocher de « Rosset sur la jota majorquine » et aussi de « Modiano sur oubli et mémoire« . A propos de la relation entre maison et souvenir, on peut aussi voir « Bachelard sur la maison » et Chamoiseau sur maison et enfance. Et pour la relation mère et souvenir voir Appelfeld sur la mémoire.

« (…) ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, je me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portais à mes lèvres une cuillère de thé où j’avais laisser s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis , attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? (…) Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité (…) Chercher ? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser puis faire entrer dans sa lumière » (p.142-143)

« (…) je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s’élever, quelque chose qu’on aurait désancré, à une grande profondeur ; je ne sais ce que c’est, mais cela monte lentement ;  » (p.143)

« Arrivera-t-il jusqu’à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l’instant ancien que l’attraction d’un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever au fond de moi ? » (p.144)

« Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. » (p.144)

« Et dès que j’eus reconnu le goût du petit morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était ma chambre, vint comme un décor de théâtre (…). » (145)

Source : Marcel Proust, Du côté de chez Swann, GF Flammarion, 1987Pages 143, 144, 145.

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Klemperer sur la langue nazie

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« Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. (…). »

Victor Klemperer, philologue, a analysé l’essor sous le nazisme d’une langue particulière qu’il a nommée LTI (Lingua Tertii Imperii). Une langue corrompue, terreau des convictions et de la pensée nazies. Il note dans ces citations la relation qui s’y est établie entre les mots « héroïque » et « fanatique ». A propos des conditions dramatiques dans lesquelles Klemperer a mené cette recherche, voir « Klemperer sur le balancier« .

Voir aussi, Ozouf sur l’insulte, Boucheron et Riboulet sur attentats et oubli, Ortega y Gasset sur la dégradation de la langue.

« Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. On a coutume de prendre ce discours de Shiller, qui parle de la langue cultivée qui poétise et pense à ta place, dans un sens purement esthétique et, pour ainsi dire, anodin. Un vers réussi, dans une langue cultivée, ne prouve en rien la force poétique de celui qui l’a trouvé ; il n’est pas difficile dans une langue éminemment cultivée, de se donner l’air d’un poète et d’un penseur.

« Mais la langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d’autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Et qu’arriverait-il si cette langue cultivée est constituée d’éléments toxiques ou si l’on en a fait le vecteur de substances toxiques ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. Si quelqu’un, au lieu d’héroïque et vertueux, dit pendant assez longtemps fanatique, il finira par croire qu’un fanatique est un héros vertueux et que, sans fanatisme, on ne peut pas être un héros (…) Le Troisième Reich n’a forgé, de son propre cru, qu’un très petit nombre des mots de sa langue (…). La langue nazie renvoie pour beaucoup à des apports étrangers et, pour le reste, emprunte la plupart du temps aux Allemands d’avant Hitler. Mais elle change la valeur des mots et leur fréquence, elle transforme en bien général ce que jadis appartenait à un seul individu ou à un groupuscule, elle réquisitionne pour le parti ce qui, jadis, était le bien général et, ce faisant, elle imprègne les mots et les formes syntaxiques de son poison, elle assujettit la langue à son terrible système, elle gagne avec la langue son moyen de propagande le plus puissant, le plus public et le plus secret. » (p.40-41)

« Et jamais au grand jamais (…) le mot fanatisme (avec son adjectif) n’a été aussi central et, dans un total renversement de valeurs, aussi fréquemment employé que pendant les douze années du Troisième Reich. » (p.50)

Source : Victor Klemperer, LTI, langue du IIIè Reich, Pocket, 2013. Pages 33 et 34.

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Muñoz Molina sobre ciudad y exilio

 « (…) aunque piensen que son ellos los que se mantuvieron fieles, y nosotros, en cierta medida, los desertores. »

Estas citas de Antonio Muñoz Molina, evocan una paradoja del exilio. Los que partieron conservan en sus recuerdos la ciudad tal como era, los que se quedaron sólo la ven tal como es. ¿Quienes son los verdaderos desertores?

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« Nos hemos hecho a la vida lejos de nuestra pequeña ciudad, pero no nos acostumbramos a estar ausentes de ella, y nos gusta cultivar su nostalgia cuando llevamos ya algún tiempo sin volver (…) (p.11)

« Sólo quienes nos hemos ido sabemos cómo era nuestra ciudad y advertimos hasta qué punto ha cambiado: son los que se quedaron los que no la recuerdan, los que al verla día a día la han ido perdiendo y dejando que se desfigure, aunque piensen que son ellos los que se mantuvieron fieles, y nosotros, en cierta medida, los desertores. » (p.17)

 Fuente : Antonio Muñoz Molina, Sefarad, Círculo de lectores, 2001. Páginas 11 y 17.

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Tchekhov sur l’aveuglement

« Des villas et des locataires des villas… c’est si vulgaire, laissez-moi vous le dire. »

 

Voici un dialogue de la pièce « La cerisaie » d’Anton Tchekhov. Des aristocrates russes du XIX siècle ;  ils ploient sous des dettes acquises de ne pas avoir vu le monde changer ; refusent encore d’agir pour sauver leur domaine mis aux enchères. Comme si l’inertie du passé les poussait vers un précipice béant qu’ils ne peuvent, ou ne veulent pas voir.

Rapprochement possible avec « Appelfeld sur vie et mort ».


LOPAKHINE. – Excusez-moi ; je n’ai jamais vu des gens aussi légers, aussi étranges que vous, comprenant aussi peu les affaires. On vous dit clairement : votre bien va se vendre, et c’est comme si vous ne compreniez pas…

Mme RANIEVSKAÏA. – Que devons-nous faire ? Dites-le.

LOPAKHINE. – Je ne fais que cela chaque jour. Chaque jour je répète la même chose. Il faut louer la cerisaie et toute votre propriété comme terrain à villas, et cela tout de suite, au plus tôt (…) et vous serez sauvés.

Mme RANIEVSKAÏA. – Des villas et des locataires des villas… c’est si vulgaire, laissez-moi vous le dire.

Source : Anton Tchekhov, La cerisaie, Pièce en quatre actes, Acte II.

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Appelfeld sur vie et mort

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« Au seuil de la mort, un homme recousait encore ses boutons. »

Ces citations d’Aharon Appelfeld montrent que la vitalité humaine a ceci de paradoxal qu’elle peut pousser à vouloir continuer la vie comme si de rien n’était, alors que notre monde s’effondre et que la mort est proche.  Et que ce n’est que quand le danger passe, s’il passe, qu’elle s’essouffle et que l’on se met à dormir sa vie. Voir aussi « Tchekhov sur l’aveuglement« .

« La guerre nous a appris, à notre étonnement, que la vie la plus atroce n’en était pas moins la vie. Dans les ghettos et dans les camps, les gens s’aimèrent, chantèrent des chansons sentimentales, débattirent des programmes des partis politiques. Il y avait des cours du soir pour apprendre le français et, l’après-midi, les gens prenaient le café —s’ils en avaient. Au seuil de la mort, un homme recousait encore ses boutons. Et point n’est besoin de rappeler que les enfants jouaient. Plus proche était la mort, plus grand était le refus d’admettre son existence. » (p.59)

« Après la guerre, quand les ailes de la mort se furent repliées, le sens de la vie perdit soudainement son pouvoir et son objet. La tristesse, comme un couvercle de fer, tomba sur ceux qui restaient et les enferma. La réalité que, dans les années de guerre, nul ne pouvait ou ne voulait voir, apparaissait à présent dans toute sa brutalité : plus rien ne restait que vous-même (…) Je me souviens de gens que la tristesse fit tomber, avec un soupir, dans un sommeil dont ils ne réveillèrent pas. Le désir de dormir était épouvantable, et tangible. » (p.61)

Source : Aharon Appelfeld, L’héritage nu, Editions de l’Olivier. Pages 59 et 61.

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García Lorca sobre el Duende

« (…) no triunfarás nunca, porque tú no tienes duende. »

Mur peint délavéEl duende, ese soplo que viene de lo más profundo de lo humano, eso que hace vibrar artistas y obras, que es indefinible pero que define, eso que marca la diferencia. De ello habla en estas citas García Lorca.

Acercamiento posible con « Bacon sur Velasquez et Rembrandt » .


« Manuel Torres, gran artista del pueblo Andaluz, decía a uno que cantaba : « Tú tienes voz, tú sabes los estilos, pero no triunfarás nunca, porque tú no tienes duende. » (p.11)

« Este poder misterioso que todos sienten y que ningún filósofo explica es, en suma, el espíritu de la tierra, el mismo duende que abrazó el corazón de Nietzsche, que lo buscaba en sus formas exteriores sobre el puente Rialto o en la música de Bizet, sin encontrarlo y sin saber que el duende que él perseguía había saltado de los misterios griegos a las bailarinas de Cádiz… (p.14)

 » (…) el duende no llega si no ve posibilidad de muerte, si no sabe que ha de rondar su casa, si no tiene seguridad que ha de mecer esas ramas que todos llevamos, que no tienen, que no tendrán consuelo.

« Con idea, con sonido, o con gesto, el duende gusta de los bordes del pozo en franca lucha con el creador. » (p.46)

 » (…) con duende es más fácil amar, comprender, y es seguro ser amado, ser comprendido, y esta lucha por la expresión y por la comunicación de la expresión adquiere a veces en poesía caracteres mortales. » (p.48)

Fuente : Federico García Lorca, Juego y teoría del duendeAllia, edición bilingüe, 2009.

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Ouaknin sur la lecture

Lampadaire tordu

« Aussi, une lecture est-elle une coproduction entre l’auteur et le lecteur. »

La parole peut soigner l’âme, lever les blocages et les clôtures qui s’opposent à l’épanouissement de l’être. Ecrite, elle ouvre à la rencontre avec l’autre, et avec soi-même, à condition de lire en interprétant. Une lecture libératrice des sens inépuisables contenus dans le texte. Tel est le principe de la Bibliothérapie proposée par Marc-Alain Ouaknin. 

Rapprochements possibles avec « Macé sur lecture et vie« , « Manguel sobre lectura silenciosa« , « Manguel sobre lectura y mundo« .


« Tout livre est en puissance une vaste bibliothèque. Le lecteur n’entre pas dans un texte déjà façonné avant lui, dont les sens sont figés et qu’il ne ferait que parcourir passivement, les significations venant à lui sûrement, sans ambiguïté. Non, la lecture est toujours singulière, créatrice de sens multiples.

Aussi, une lecture est-elle une coproduction entre l’auteur et le lecteur. » (p.245)

« Il y a une activité de coopération textuelle, où le lecteur n’est pas la voix haute transposant l’écrit silencieux, mais une réelle production. » (p.244-245)

« Nous sommes ici dans une logique autre que celle du vrai et du faux. Une compréhension est toujours de l’ordre du possible et du « peut-être ». Elle peut être correcte ou juste, mais jamais vraie ou fausse. » (p.242)

« Aucune interprétation n’est recevable si elle est porteuse de violence et de volonté destructrice à l’égard d’autrui. » (p.242)

« La bibliothérapie trouve son acte de naissance dans la rencontre entre la force langagière —(…) qui n’est plus abandonnée aux magiciens, aux prêtres et aux charlatans— et le lieu d’expression primordiale et première de cette force : le livre. » (p.17)

Source : Marc-Alain Ouaknin, Bibliothérapie, lire c’est guérir, Seuil, 1994. Pages 17, 242, 244 et 245.

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Garcia Lorca sur le Duende

« (…) jamais tu connaitras le triomphe, parce que toi tu n’as pas de duende. »

Mur peint délavé

Le Duende, cette sorte de souffle des profondeurs de l’humain qui fait vibrer artistes et oeuvres, cet indéfinissable qui définit, qui fait la différence, García Lorca en parle ici à travers quelque citations. 

Rapprochement à faire avec « Bacon sur Velasquez et Rembrandt » .

« Manuel Torres, grand artiste du peuple Andalou, disait à un homme qui chantait : Toi tu as de la voix, tu connais les styles, mais jamais tu connaitras le triomphe, parce que toi tu n’as pas de duende. » (p.11)

« Ce pouvoir mystérieux que tout le monde ressent  et qu’aucun philosophe n’explique est, en somme, l’esprit de la terre, ce même duende que consumait le coeur de Nietzsche, qui le recherchait sous ses formes extérieures sur le pont du Rialto ou dans la musique de Bizet, sans le trouver et sans savoir que le duende qu’il poursuivait était passé des mystères grecs aux danseuses de Cadix… (p.15)

 » (…) le duende ne vient pas s’il ne voit pas la possibilité de mort, s’il n’est pas sûr qu’il va roder autour de sa maison, s’il n’est pas certain qu’il va secouer ces branches que nous portons tous et que l’on ne peut pas, que l’on ne pourra jamais consoler. (p.47)

« Par l’idée, par le son, ou des mimiques, le duende aime à être au bord du puits dans une lutte franche avec celui qui crée. » (p.47)

 » (…) avec du duende il est plus facile d’aimer, de comprendre, et l’on est sûr d’être aimé, d’être compris, et cette lutte pour l’expression et pour la communication de l’expression acquiert quelques fois en poésie un caractère mortel. » (p.49)

Source : Federico García Lorca, Jeu et théorie du Duende, Allia, 2009.

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Manguel sobre lectura silenciosa

 « Pero la lectura silenciosa trajo consigo otro peligro (…) Un libro que puede leerse en privado, sobre el que se reflexiona a medida que el ojo desentraña el significado de las palabras, no está ya sujeto a inmediata aclaración o asesoramiento (…) »

Según Alberto Manguel, la lectura silenciosa sólo se generalizó en el siglo X. Antes, la lectura se hacía normalmente en voz alta y en grupo. Una evolución ligada al aparecimiento de reglas de puntuación, gracias a las cuales el sonido ya no es necesario para distinguir las palabras. A su vez, la lectura silenciosa favore el pensamiento individual del lector, ya no más sometido a la tutela de quienes se pretenden detentores del saber. Ver también « Manguel sobre lectura y mundo » ; acercamiento posible con « Macé sur lecture et vie » y con « Ouaknin sur la lecture« .

« La antigua escritura sobre pergaminos -que ni separaba las palabras ni distinguía entre minúsculas y mayúsculas ni utilizaba puntuación- estaba destinada a personas acostumbradas a leer en voz alta, que permitían al oído desentrañar lo que sólo era para el ojo una sucesión ininterrumpida de signos. » (p.107)

« La separación de las letras en palabras y frases se produjo de manera muy gradual. La mayoría de los sistemas primitivos —los jeroglíficos egipcios, la escritura cuneiforme sumeria, el sánscrito— no utilizaban tales divisiones. » (p.109)

« En el siglo IX la lectura silenciosa era probablemente lo bastante habitual como para que los escribas o copistas, para simplificar el uso de un texto, empezaran a separar cada palabra de sus entrometidas vecinas (…) Hacia la misma época, los escribas irlandeses (…) empezaron a aislar no sólo partes del discurso, sino también los componentes gramaticales de una frase e introdujeron muchos de los signos de puntuación que utilizamos hoy en día. » (p.110)

« (…) por medio de la lectura silenciosa el lector era por fin capaz de establecer una relación sin restricciones con el libro y las palabras. Estas últimas  no necesitaban ya ocupar el tiempo requerido para pronunciarlas. Podían existir en un espacio interior (…) mientras los pensamientos del lector las inspeccionaban con calma, sacando de ellas nuevas ideas (…) (p.113)

« A algunos dogmáticos les inquietó la nueva tendencia; para ellos la lectura silenciosa permitía soñar despierto, creando el peligro de la acidia, el pecado de la pereza, « mortandad que devasta en pleno día. » {ver Giannini sobre el aburrimiento} « Pero la lectura silenciosa trajo consigo otro peligro (…) Un libro que puede leerse en privado, sobre el que se reflexiona a medida que el ojo desentraña el significado de las palabras, no está ya sujeto a inmediata aclaración o asesoramiento, ni a condena o censura por parte de un oyente. » (p.113-114)

Fuente : Alberto Manguel, Una historia de la lectura, Alianza editorial, 2013 (1998).

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Manguel sobre lectura y mundo

« La lectura es, en ese sentido, un acto subversivo… »

En su Historia de la lectura, Alberto Manguel, defiende apasionadamente la lectura como actitud frente al mundo, a través de un recorrido muy personal que cubre seis mil años de escritura (y de lectura). La descripción de cómo se enseñaba y se practicaba la lectura en sus inicios fundamenta las ideas que defiende el autor en las citas propuestas. En esa perspectiva se destaca el paso de la lectura en voz alta a la lectura en silencio (ver Manguel sobre lectura silenciosa).

Acercamiento posible con « Macé sur lecture et vie » y con « Ouaknin sur la lecture« .

 

« La lección de Cristo, echando a patadas a los mercaderes del templo, es necesaria hoy quizás más que nunca. Hay que volver a echarlos a patadas. Para hacerlo sin violencia física, podemos aprovechar un don que hemos adquirido penosamente en la infancia de nuestras sociedades, cuando aprendimos a nombrar nuestro sorprendente universo : la lectura. Leer puede conducir a razonar, a cuestionar, a imaginar mundos mejores. La lectura es, en ese sentido, un acto subversivo y con ella podemos oponernos a la marea de codicia y estupidez que amenaza con ahogarnos. Ante la amenaza del diluvio, un libro es un arca ». (p.16)

« La verdad es que nuestro poder, como lectores, es universal, y es universalmente temido, porque se sabe que la lectura puede, en el mejor de los casos, convertir a dóciles ciudadanos en seres racionales, capaces de oponerse a la injusticia, a la miseria, al abuso de quienes nos gobiernan ». (p. 17-18)

Fuente : Alberto Manguel, Una historia de la lectura, Alianza editorial, 2013 (1998). Páginas 16 y 17-18.

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