Klemperer sur le balancier

Sculture sur barreaux

« Mon journal était dans ces années-là, à tout moment, le balancier sans lequel je serais cent fois tombé. »

Philologue expulsé de sa chaire par les nazis, interdit de publication, exclu des bibliothèques, interdit de lecture d’ouvrages allemands, privé ainsi des mots, Victor Klemperer survécut à l’épreuve grâce à une réflexion intime et clandestine sur la langue nazie. Confiné dans une maison pour juifs conjoints d’allemandes, obligé de travailler en usine, c’est en s’arrachant à la fatigue au milieu de la nuit qu’il consignait dans son journal des observations sur cette langue corrompue qu’il a nommé LTI (Linga Tertii Imperii). A ce journal, il se tenait comme à un balancier. Voir aussi de « McCann sur le funambule et « Klemperer sur la langue nazie


« Un jeune garçon qui est au cirque avec son père lui demande : Papa, que fait le monsieur sur la corde avec le bâton ?  —Gros nigaud, c’est un balancier auquel il se tient. — Oh la la ! Papa, et s’il le laissait tomber ? —Gros Nigaud, puisque je te dis qu’il le tient ! » (p33-34)

« Mon journal était dans ces années-là, à tout moment, le balancier sans lequel je serais cent fois tombé. Aux heures de dégoût et de désespoir, dans le vide infini d’un travail d’usine des plus mécaniques, au chevet de malades ou de mourants, sur des tombes, dans la gêne et dans des moments d’extrême humiliation, avec un coeur physiquement défaillant, toujours m’a aidé cette injonction que je me faisais à moi-même : observe, étudie, grave dans ta mémoire ce qui arrive (…), retiens la manière dont cela se manifeste et agit. Et, très vite ensuite, cette exhortation à me placer au-dessus de la mêlée et à garder ma liberté intérieure se cristallisa en cette formule secrète toujours efficace : LTI, LTI ! » (p34)

Source : Victor Klemperer, LTI, langue du IIIè Reich, Pocket, 2013. Pages 33 et 34.

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MacCann sur le funambule

Funambule J-C C
Oeuvre de Jean-Claude Cally

 » Il transporte sa vie d’une extrémité à l’autre. »

 » La beauté pour motivation. Le ravissement ultime d’une marche. Tout réécrire depuis là haut. D’autres possibles à forme humaine. Par-delà les lois de l’équilibre. Être un instant sans corps et venir à la vie. »

Citations extraites de l’ouvrage de Colum MacCann « Et que le monde poursuive sa course folle », Belfond 1914, p.211. L’auteur y fait le récit de l’exploit de Philippe Petit, funambule entre les Twin Towers en 1974, avant leur tragique destruction. L’artiste français Jean-Claude Cally: « La puissance et la poésie de Colum MacCann m’ont inspiré pour la réalisation de sculptures et peintures sur le sujet du funambulisme. » 


Le propos de Colum MacCann fait penser au funambule de Nietzsche (« Ainsi parlait Zarathoustra », 10 18, 1972. Page 14), que nous rappelons ici:

« Il est dangereux de passer de l’autre côté, dangereux de rester en route, dangereux de regarder en arrière, dangereux de frissonner et de s’arrêter.

« Ce qu’il y a de grand dans l’homme, c’est qu’il est un pont et non un but : ce que l’on aime dans l’homme, c’est qu’il est un passage et une chute.

« J’aime ceux qui ne savent pas vivre à moins de se perdre, car ce sont ceux qui passent à l’autre rive. »

Un raprochement est aussi à faire avec « Klemperer sur le balancier« .

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