« tous sont labyrinthes de cupidité, où se perdent les âmes dépravées »
Les horreurs de la persécution religieuse, thème majeur de l’oeuvre d’Antonio Enríquez Gómez, poète espagnol du XVII siècle. Il appartenait à l’une des dernières familles de nouveaux-chrétiens espagnols pratiquant un judaïsme clandestin, en pleine Inquisition. Enríquez Gómez a dû s’exiler un temps en France, avant de retourner en Espagne sous une fausse identité et de périr dans les geôles de l’Inquisition.
Ses dénonciations il ne pouvait les faire qu’à mots couverts. Ce sont des métaphores qui résonnent, aujourd’hui, à quatre siècles de distance.
Une traduction libre de Traces, suivie de l’original en espagnol.
« Après ton opportun départ la mer s’est affolée comme jamais dans un fracas qui résonne encore.
Elle n’est plus la patrie maison sûre, non, mais flots errants qui se lèvent et hurlent, langues agitées sans vent et sans raison.
C’est une sombre béance sans fin ; l’amitié est morte, l’ami n’est plus rien ne compte sous le joug
De chaque mot l’ennemi est à l’affût chacun guette l’ heure de trahir converser sans témoins, impossibilité.
Des ambitions tyranniques cheminent, qui comblées à leur façon obtiennent des bénédictions.
C’est des Troies, mais pas en braises tous sont labyrinthes de cupidité, où se perdent les âmes dépravées. »
Después de tu partida venturosa El mar se alvorotó de tal manera Que aun dura su borrasca lastimosa.
Ya no es la patria, no, segura sphera ; es un errante piélago furioso, sin viento brama, y sin razón se altera
Es un baxío, eterno y peligroso ; ya murió la amistad : ya no ay amigo : derribó el ynterés el más famoso
Cada palabra alcança un enemigo : todos buscan aleves ocasiones, y no ay conversación sin un testigo.
Andan tiraniçadas ambiciones, y son de tal manera conquistadas, que se alcançan con ellas bendiciones.
Todos son Troyas, pero no abrasadas : todos son laberintos de codicia, donde se pierden almas depravadas.
Source : Antonio Enríquez Gómez, Academias morales de las Musas, 1642, pages 415-418. Cité par I.S. Revah, Antonio Enríquez Gómez, un écrivain marrane, 2003, Chandeigne ; page 290.