« Aujourd’hui je n’ose même pas me faire des reproches. Criés à l’intérieur de ce jour vide, leur écho vous soulèverait le cœur »
Quelques aspects de la personnalité de Kafka, tel qu’il se dévoile dans certains passages de son Journal. Sa tendance à l’auto-dénigrement, voire à s’y complaire. Ses doutes aussi sur ses propres capacités, son manque de volonté, et cette invraisemblable peur alimentaire de se consacrer entièrement à ce qu’il aimait le plus, la littérature. L’humain que nous sommes tous, derrière un écrivain unique.
Voir aussi Shopenhauer sur la liberté du vouloir, Mann sur hypnotisme et volonté de décider.
« Car je suis de pierre, je suis comme ma propre pierre tombale, il n’y a là aucune faille possible pour le doute ou pour la foi, pour l’amour ou la répulsion, pour le courage ou pour l’angoisse, en particulier ou en général, seul vit un vague espoir, mais pas mieux que ne vivent les inscriptions sur les tombes » (p.17).
« Comment j’aimerais expliquer le sentiment de bonheur qui m’habite de temps à autre, maintenant par exemple. C’est véritablement quelque chose de mousseux qui me rempli de tressaillements légers et agréables, et me persuade que je suis doué de capacités dont je peux à tout instant, et même maintenant, me convaincre en toute certitude qu’elles n’existent pas » (p.18)
« Aujourd’hui je n’ose même pas me faire des reproches. Criés à l’intérieur de ce jour vide, leur écho vous soulèverait le cœur » (p22).
« (…) la littérature ne pourrait pas me faire vivre, ne serait-ce qu’à cause de la lenteur de ma production et du caractère particulier de mes écrits. De plus ma santé et mon caractère m’empêchent également de me résoudre à une vie qui ne pourrait être qu’incertaine dans les meilleurs des cas. Voilà pourquoi je suis devenu fonctionnaire dans une compagnie d’assurances » (p.48)
Source : Franz Kafka, Journal, Le Livre de Poche, 2010.